Présentation
de l'oeuvre
1. Quelques dates marquantes
:
- Composition du roman : septembre à novembre 1831
- première édition : décembre 1831 par B. Renault
- deuxième édition : 1833 par Henri Dupuy
- édition actuelle : établie sous la direction d’Hubert
Delpont, Les Amis du Vieux Nérac, 1993
2. Appareil critique :
dans l’édition de Rose et Blanche des Amis du
Vieux Nérac :
- « Rose et Blanche, ce(s) mal aimé(es) » par Hubert
Delpont
- « Sources littéraires » par Georges Lubin
- « Elle ou lui ? » par Georges Lubin
- une lettre d’H. de Latouche
- « Le Comte de Dijon, une légende historique » par
H. Y. Sanchez-Calzadilla
dans Présence de George Sand n°22, mars 1985, « Mélanges
sandiens III »
- « Rose et Blanche, la dernière œuvre d’apprentissage
de George Sand » par Kathryn J.-Crecelius
3. Introduction :
Ce premier roman édité d’Aurore Dupin (véritable
nom de George Sand) est signé J. Sand.
Le J. signifie que Jules Sandeau, alors amant d’Aurore, a participé
à l’écriture de l’œuvre. Cependant, les
spécialistes de la romancière s’accordent pour dire
que cette participation fut minime.
En effet, on trouve déjà dans Rose et Blanche,
les grands thèmes qui vont jalonner l’œuvre sandienne
:
- l’héroïne, grande âme, au caractère
fort et déterminé,
- les hommes, restés enfants, qui ne savent pas maîtriser
leurs pulsions et qui sont matérialistes et soucieux du «
qu’en dira-t-on »,
- les personnages d’artistes pittoresques,
- les membres du clergé jouisseurs des biens matériels
aux dépens du peuple, imbus de leur savoir, effrayants inquisiteurs
ou libertins hypocrites,
- le travestissement de la femme en homme (thème de l’androgynie),
- le couvent lieu propice aux hallucinations et aux apparitions des
spectres…
C’est également elle, et non Jules Sandeau, qui a fréquenté
les lieux décrits dans le roman : les Pyrénées,
Nérac, le couvent des Anglaises à Paris…
4. Avant « Rose et Blanche
» :
Certains prétendent que George Sand aurait été
amenée à l’écriture par Jules Sandeau. Mais
Rose et Blanche ne fut pas son premier essai littéraire.
Déjà, au couvent des Anglaises, elle adapta de mémoire
une pièce de Molière, alors interdit par le Vatican, et
parvint à beaucoup amuser les religieuses avec sa version édulcorée.
Si l’on ne tient pas compte des riches pages de sa jeune correspondance
(publiée par Georges Lubin aux éditions Classiques Garnier),
c’est en 1829 qu’elle fit ses premiers essais littéraires
avec Voyage chez Mr. Blaise (écrit en mars 1829, publié
en1877), Voyage au Auvergne et Voyage en Espagne (écrits
en août 1829, publiés en 1888). Ces trois œuvres sont
disponibles actuellement dans le volume II des Œuvres autobiographies
de George Sand, publiées par Georges Lubin aux éditions
Gallimard, collection La Pléiade, en 1971.
En août 1829, elle composa un roman pour une ancienne camarade
de couvent, Jane Bazouin. Cette œuvre s’intitulait La
Marraine. Un de ses chapitres a été publié
en 1895, dans la Revue de Paris.
Au début de 1830, elle écrivit Histoire du rêveur
(qui a été publié dans Présence de George
Sand n°17 de juin 1983). Cette œuvre est mise en avant
par Isabelle Hoog Naginski dans son ouvrage George Sand, l’écriture
ou la vie (Honoré Champion, 1999). Elle la présente
comme une œuvre marquante de la formation de l’écrivain
George Sand.
En 1831, Aurore fit lire à un auteur alors en vogue, Auguste
Keratry, son roman Aimée. L’avis de Keratry fut
très défavorable et elle détruisit l’œuvre.
En 1831, également, elle publia plusieurs nouvelles coécrites
avec Jules Sandeau : Molinara, La Prima Donna, La
Fille d’Albano et Le Commissionnaire. La Prima
Donna a été publiée dans Présence
de George Sand n°17 de juin 1983 et dans Nouvelles musicales
(recueil de nouvelles ayant pour thème la musique, préfacé
ar Martine Kaufmann, éditions Liana Levi, 1998. On trouve également
dans ce recueil une autre nouvelle de George Sand, Carl).
5. Thème principal de
l’œuvre
Le roman parle de la douleur morale dont souffrent les deux sexes, lorsque
que leur conception de la relation homme/femme est mauvaise et ce thème
sera toujours d’actualité.
6. Résumé du roman
L’intérêt principal du roman réside dans
la peinture de personnages si contrastés qu’ils en paraissent
vivants.
Le résumé de l’intrigue ne pourra pas rendre compte
de la saveur et de la chair spéciale du roman.
Deux jeunes filles se rencontrent et
sympathisent au cours d’un voyage vers Tarbes : Blanche, jeune
novice, qui a quitté Bordeaux avec Soeur Olympie pour devenir
soeur de charité à Paris, et Rose, fille de comédienne,
contrainte de monter tous les soirs sur les planches où elle
subit les humiliations du public et de ses camarades acteurs.
Chacune d’elles rêve un instant de vivre la vie de l’autre.
Cependant le sort d’aucune des deux jeunes filles n’est
enviable : Soeur Blanche craint de ne pas être acceptée
par les soeurs de charité car elle est d’une trop faible
constitution pour travailler dans les hôpitaux et se demande ce
qu’elle va devenir, car elle n’a aucune famille et aucun
moyen de subsister, tandis que Rose est sur le point d’être
vendue au plus offrant par sa propre mère.
Justement deux jeunes hommes oisifs et libertins, Horace Cazalès
et son ami Laorens sont de passage à Tarbes. Horace, qui est
riche, décide d’offrir Rose à Laorens, qui est pauvre.
Cependant, le soir venu, il se ravise et enivre son ami pour profiter
lui-même de Rose. Pourtant, face à l’attitude digne
de la jeune fille et dans un sursaut de conscience, il n’a pas
l’abjection d’abuser d’elle. Il décide même
de la soustraire à sa mère, pour qu’elle ne soit
pas vendue à un autre homme et lui trouve refuge au couvent des
Anglaises à Paris. De son côté, en émergeant
de sa nuit d’ivresse, Laorens rencontre Blanche dans une église
et il est ébloui par sa beauté.
Horace se retire dans un coin perdu des Landes, dans la résidence
sauvage d’un vieil original. Laorens vient le rejoindre et Horace
lui confie un manuscrit où il confesse une faute passée
qui l’a rongé jusqu’à ce jour. Il s’agit
en réalité d’un véritable crime.
Un jour, sa route a croisé celle d’une marin nommé
Lazare que son patron brutalisait. Après que Lazare ait sauvé
Horace de la noyade, celui-ci décide de lui offrir une embarcation
pour qu’il soit son propre patron. Très ému, Lazare
insiste pour lui faire connaître sa fille Denise, qui est une
handicapée mentale, une malheureuse idiote. Son handicap est
uniquement mental, par ailleurs, elle est magnifiquement belle et gracieuse.
Quelques temps plus tard, Lazare, à l’agonie, confie sa
fille à Horace. Un soir d’ivresse et de dépit amoureux,
Horace viole la malheureuse idiote. Honteux, il l’établit
dans un couvent à Bordeaux.
Au couvent des Anglaises, Rose retrouve Blanche qui n’a pas été
acceptée par les soeurs de la Charité en raison de sa
constitution trop délicate. Les deux jeunes filles se lient d’une
profonde amitié. Laorens est nommé professeur de dessin
au couvent des Anglaises. Il tombe amoureux de Blanche qui l’aime
en retour, mais avec un profond sentiment de culpabilité car
elle souhaite devenir religieuse. Elle se confie à son confesseur
et Laorens est prié de ne plus revenir au couvent. De toute façon,
il a révélé à Rose, qu’il ne veut
pas épouser Blanche, car, étant pauvre, il préfère
s’unir à une femme fortunée.
Rose commence à dépérir au couvent. Elle souffre
trop de ne pas avoir la liberté de sortir à sa guise et
tombe très gravement malade. Sa mère se rachète
de ses fautes passées en l’arrachant à la mort au
prix de sa propre vie. Rose devient cantatrice. A Bordeaux, célèbre
et admirée, elle retrouve Horace et ils s’aiment, mais
par lâcheté, suivant l’avis de sa famille qui ne
veut pas le voir épouser une comédienne, Horace abandonne
son amour.
Au couvent des Anglaises, dans un carton à dessin qu’a
oublié Laorens, Blanche découvre le manuscrit où
Horace avoue le viol de Denise. Cette histoire a des échos en
elle. Elle a perdu la mémoire d’une longue partie de sa
vie. Elle parle de son malaise à son confesseur et lui laisse
le manuscrit.
Le jour de la cérémonie où Blanche doit prononcer
ses vœux définitifs, Soeur Olympie révèle
tout haut le véritable nom de la novice, Denise Lazare. Horrifiée,
Blanche se retourne vers l’assemblée et aperçoit
son violeur. Horace est à Paris parce que sa famille a voulu
l’éloigner de Rose, mais il a insisté pour venir
au couvent où celle-ci a vécu.
Blanche a désigné Horace à son confesseur. Ce dernier
remet le manuscrit aux Cazalès. La famille d’Horace décide
de lui faire épouser Blanche pour réparer son crime et
pour le séparer à tout jamais de Rose. Blanche est contrainte
par le couvent d’accepter le mariage. Elle appelle Rose à
son secours, mais cette dernière arrive à Paris le lendemain
des noces, pour découvrir la dépouille de Blanche, veillée
seulement par Soeur Olympie et Laorens. Les Cazalès ont quitté
précipitamment Paris.
Rose prendra la place de Blanche au couvent où elle consacrera
le reste de sa vie à l’éducation des jeunes filles.
“Si l’on détruisait
les couvents, quelques existences rejetées de la société,
quelques âmes trop délicates pour le grossier bonheur de
notre civilisation n’auraient plus de terme moyen entre le spleen
et le suicide” (extrait de Rose et Blanche)
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