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Un hiver à
Majorque
Récit d'un
voyage que George Sand fit en 1838 avec le compositeur
Frédéric Chopin (lien vers extrait).
Edition
présentée : Editions Glénat,
1993
Vous
trouverez également cette oeuvre dans "Oeuvres
autobiographiques, Tome 2" La Pléiade, Ed. Gallimard,
1971 et dans la réédition 1999 de "Romans
1830", Omnibus.
Nous
regrettons que l'édition du Livre de Poche, 1984 ne
soit plus disponible. Lien vers un extrait de la
préface de Béatrice Didier.
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d'ouverture
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En cet
hiver de 1838, George Sand s'était liée depuis
peu au compositeur Frédéric Chopin. La
santé de ce dernier étant chancelante, la
romancière décida de passer l'hiver dans
l'île de Majorque, dont on lui avait récemment
vanté la température clémente.
Les majorquins étaient sous le joug des espagnols qui
leur soutiraient toutes leurs richesses et les
empêchaient de faire du commerce. Voyant que le fruit
de leur travail leur était dérobé, les
majorquins se laissaient vivre et se démenaient le
moins possible. Ils devinrent sauvages et hostiles à
tous les étrangers. Puis les Espagnols consentirent
à ce qu'ils fassent le commerce du cochon. L'animal
devint l'objet de toutes les attentions des Majorquins.
C'est à la suite de cette ouverture que George Sand
devint la première touriste des Baléares !
Au grand désespoir de son éditeur
François Buloz, elle n'accepta de relater son voyage
que trois ans après son retour, car elle était
très choquée par l'accueil que lui avaient
réservé les Majorquins et il lui
répugnait de trop médire d'eux. Cependant le
sentiment de l'humiliation était encore très
vivace trois ans plus tard.
Les ennuis commencèrent dès le voyage en
bateau, où l'équipage s'intéressait
plus à sa cargaison de cochons qu'au confort de ses
passagers. A Palma, George Sand et sa petite famille eurent
de grandes difficultés à trouver un logement
car la ville était envahie par une horde de soldats
espagnols. De plus, l'aspect souffreteux de
Frédéric Chopin rebutait les éventuels
logeurs. Ils le soupçonnaient d'être phtisique
(tuberculeux) et ils pensaient que cette maladie
était contagieuse. George Sand en fut
révoltée car, pour elle, Chopin ne souffrait
que d'une laryngite. D'autre part, l'aspect contagieux de la
tuberculose ne fut démontré qu'en 1865, par
Villemin. Un propriétaire accepta enfin de
prêter une maison aux voyageurs. Tout s'y passa bien
tant qu'il fit beau. Ils visitèrent les beaux
monuments de la ville de Palma. Les ruines d'un
monastère de l'Inquisition amenèrent une
réflexion à George Sand : faut-il regretter
les beautés architecturales d'un monument symbole
d'une dictature ou est-il préférable de se
réjouir de sa destruction et de la libération
des êtres qui y étaient détenus ?
Brutalement, le temps devint maussade et comme certaines
parties de la maison n'avaient pas de fenêtres, la
santé de Chopin se détériora. Les
locataires furent sommés de quitter les lieux, de
tout nettoyer et d'acheter tous les objets qu'ils avaient
utilisés. Par bonheur, un logement se libéra
à l'intérieur de l'île, dans la
Chartreuse de Valldemosa, mais le chemin escarpé qui
y menait était très dangereux. La Chartreuse
était située dans un lieu enchanteur. Le
paysage était sauvage et romantique. Les habitants,
eux aussi, avaient quelque chose de sauvage et de
particulièrement inamical. George Sand pensait qu'ils
étaient affectés par leur environnement.
A la Chartreuse, les voyageurs furent accueillis par une
certaine Maria-Antonia qui s'empressa de leur prêter
des ustensiles de cuisine. Mais dès qu'ils eurent
fait à manger, Maria-Antonia dévora dans leurs
plats. Ces emprunts de nourritures, drôles au
début, devinrent vite gênants quand les vivres
vinrent à manquer. En effet, les paysans rechignaient
à leur vendre de la nourriture et leur demandaient
toujours des prix exorbitants. Ne pouvoir alimenter Chopin
correctement, alors qu'il était malade, devint une
angoisse permanente pour George Sand.
La visite de la Chartreuse, qui était une immense
bâtisse, fit réfléchir la
romancière sur ce qu'était devenue la vie
monastique à travers les âges : les voeux de
pauvreté et de tempérance des origines
s'étaient transformés en paresse et en
gourmandise. Dans son roman "Spiridion", que George Sand
écrivit en partie à Majorque, elle
évoque ce problème. L'oeuvre est aussi
imprégnée des délires fantastiques que
provoqua la beauté sauvage de l'île de Majorque
dans l'esprit de la romancière.
La seule habitante de l'île qui laissa un bon souvenir
à George Sand était une jeune fille de seize
ans nommée Périca. En la rencontrant au
détour d'un chemin, la romancière la prit pour
une fée. Périca la conduisit dans un lieu
magique qui surplombait la mer. George Sand s'y sentit
pousser des ailes et manqua de mettre sa vie en danger
à la grande frayeur de ses enfants.
Dès que le temps s'améliora, les voyageurs
s'empressèrent de quitter l'île malgré
le très mauvais état de santé de
Chopin. Sur le bateau français qui les reconduisait
vers leur pays, George Sand et sa famille furent
touchées par l'accueil amical et attentionné
de l'équipage et se sentirent déjà chez
eux.
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